Par Paul Craig Roberts
26 juillet 2014-07-28
paru dans Le Courrier, Genève,
le 7 août 2014.
Présentation de l’auteur
M. Paul Craig Roberts, auteur du texte ci-après, est un ancien Vice-ministre des finances de Reagan dans les années 1980 et un ancien Rédacteur en chef adjoint du Wall Street Journal, qui a ensuite pris ses distances avec la dérégulation néolibérale, mais non point avec le libéralisme économique et politique.
Devenu critique de la politique étrangère de Clinton, il fut un adversaire véhément de l’entrée en guerre de George W. Bush contre l’Irak et estime que, par leur politique étrangère belliciste, Clinton, Bush et Obama ont trahi le contenu fondamentalement libéral et pacifique de la vénérable Constitution américaine de 1787, comme le soutient son livre How America was lost, 2014 (Comment fut perdue l’Amérique).
Devenu de facto un dissident de la vie politique américaine et même occidentale, il tient un site dénonçant les dangers que l’hégémonisme, le militarisme et l’arrogance de Washington font courir à la paix mondiale. (http://www.paulcraigroberts.org)
Ivo Rens
Ne vous attendez pas à vivre beaucoup plus longtemps.
Les gouvernements européens et les medias occidentaux ont mis le monde en danger en acceptant la propagande et l’agression de Washington contre la Russie.
En utilisant des mensonges criants, Washington a réussi à diaboliser la Russie conduite par un prétendu nouvel Hitler ou nouveau Staline, tout comme elle avait réussi à diaboliser Saddam Hussein en Irak, les Talibans en Afghanistan, Assad en Syrie, Chavez au Vénézuéla et, bien sûr, l’Iran.
Les véritables Satans, Clinton, Bush et Obama, sont perçus comme “des personnalités exceptionnelles et indispensables“ hors de portée de toute diabolisation. Leurs véritables crimes terrifiants passent inaperçus, tandis que des crimes fictifs sont imputés à des personnes et des pays ordinaires et remplaçables.
Si Washington diabolise un dirigeant et un pays, c’est pour susciter des circonstances lui permettant d’user de la force contre ce dirigeant et ce pays.
Les allégations mensongères quant à une prétendue agression russe contre l’Ukraine ont réussi à accréditer cette dernière sur la base de faux-semblants. Le Secrétaire d’Etat Jon Kerry et son assistante, Marie Hart, produisent quotidiennement des mensonges, mais n’apportent jamais de preuves tangibles.
Le décor est planté, on y voit le Sénat des Etats-Unis d’Amérique, le Commandant en chef de l’OTAN et le Président des états-majors combinés étatsuniens absorbés par la mise en mouvement des roues de la guerre.
Le projet de loi sénatorial 2277 prévoit la mise en alerte des forces aux frontières de la Russie et la promotion de l’Ukraine au statut d’“allié des Etats-Unis d’Amérique“ afin de permettre aux troupes étatsuniennes d’assister l’Ukraine dans la guerre contre les “terroristes“. http://un.ua/eng/article/522930.html Voir aussi : http://www.globalresearch.ca/collapse-of-ukraine-government-prime-minister-yatsenyuk-resigns-amidst-pressures-exerted-by-the-imf/5393168
Le commandant en chef de l’OTAN, Breedove, est en train de planifier la concentration de matériel militaires à la frontière russe afin les troupes des Etats-Unis et de l’OTAN puissent plus rapidement attaquer la Russie. http://rt.com/news/175292-nato-poland-supply-base/
Le Président des chefs des états-majors combinée étatsuniens, le général Martin Dempsey, s’occupe de préparer l’opinion publique américaine à l’imminence de la guerre.
Le 24 juillet, le général Dempsey déclara au Forum Aspen pour la sécurité, cénacle de haut niveau où se forme l’opinion publique étatsunienne, que l’agression de Poutine contre l’Ukraine était comparable à l’invasion de la Pologne décidée par Staline en 1939 et que la menace russe ne se limitait pas à l’Ukraine, mais qu’elle était globale. http://www.commondreams.org/news/2014/07/25/gen-dempsey-were-pulling-out-our-cold-war-military-plans-over-ukraine
Lorsque le général Dempsey leur déclara que l’engagement, prétendu mais non prouvé, de la Russie en Ukraine constituait le premier cas depuis 1939 où un pays avait entrepris délibérément d’utiliser à ses fins propres ses forces militaires sur le territoire d’une autre nation souveraine, les auditeurs de ce général au Forum Aspen pour la sécurité, tous des intellectuels, n’éclatèrent pas de rire. Personne ne demanda à Dempsey comment qualifier ce que Washington avait accompli pendant les trois dernières présidences : Clinton en Serbie, Bush et Obama en Afghanistan, en Irak, en Somalie, au Pakistan et au Yemen, et Obama en Libye et en Syrie.
Voici les propres termes utilisés par ce général : “Vous avez un Gouvernement russe qui a pris consciemment la décision d’utiliser ses forces militaires à l’intérieur d’une autre nation souveraine afin d’y poursuivre ses objectifs. C’est la première fois que cela se produit depuis l’époque de 1939. Il est manifestement sur la voie de s’engager plus avant, non seulement en Europe orientale, mais dans le reste de l’Europe et envers les Etats-Unis.“
Washington est tellement profondément convaincue que le monde est sa chose que ni Dempsey, ni ses supérieurs hiérarchiques, ne s’avisèrent de l’absurdité de cette déclaration. Washington et la population étatsunienne, soumise au lavage de cerveaux, tiennent pour évident que leur “nation exceptionnelle et indispensable“ ne soit pas limitée dans ses actions par la souveraineté d’autres pays.
Washington tient pour évident que la loi étatsunienne prévale à l’étranger sur les lois nationales en vigueur. Demandez seulement à la France ou à la Suisse si ce n’est pas Washington qui décide avec quelles institutions ou sociétés financières elles peuvent ou ne peuvent pas entrer en affaires. Demandez seulement à tout pays ou à toute entité commerciale empêchée de commercer avec l’Iran si Washington ne peut pas diaboliser et renverser ses dirigeants et l’envahir, comme elle l’a fait en Irak, au Honduras, en Libye, en Serbie, etc., et si elle ne peut pas conduire des opérations militaires contre des individus dans des pays étrangers avec lesquels elle n’est pas en guerre, comme elle l’a fait au Pakistan et au Yémen.
Tout cela est possible parce que Washington s’est attribuée le privilège israélien de “peuple élu“. Bien sûr, la perte de ce privilège n’a pas empêché Israël d’agir de la même façon.
Washington a donc mis en mouvement les roues de la guerre. Une fois mise en mouvement, la vitesse les porte au loin. Il sont bien sots, et même complètement stupides, les gouvernements et medias européens qui semblent ignorer l’orchestration par Washington de leur avenir, ou plutôt de leur privation d’avenir, à moins que cela ne les laisse indifférents. Ils se condamnent eux-mêmes, et condamnent toute l’humanité, par leur insouciance. Que Dieu soit loué si le Premier ministre britannique ou le Président français, ou la Chancelière allemande n’était pas invité à la Maison blanche ou si l’insignifiance polonaise ne recevait pas sa bourse de Washington.
Les lecteurs qui ne peuvent pas se faire à des problèmes sans solutions réclament des solutions. Eh bien, voici la solution :
La seule possibilité d’éviter la guerre est que Poutine porte son affaire devant les Nations Unies. Si Washington a pu envoyer un Colin Powell, bien que démuni de tout recours possible à la vérité, plaider avec succès la guerre contre l’Irak, a fortiori Poutine devrait être capable de faire prévaloir aux Nations Unies le dossier faisant barrage à la guerre contre la Russie.
Il doit être facile d’établir que le roi est nu.
Contrairement à Washington, Poutine est désireux d’apporter les preuves sur les véritables acteurs de la crise ukrainienne. Il n’est pas compliqué d’établir la vérité sur le fait que Washington a organisé le coup d’Etat qui a renversé un gouvernement issu des élections, qu’elle soutient la répression violente de ceux qui s’opposent à ce coup d’Etat et qu’elle a fait la sourde oreille aux initiatives réitérées de la Russie pour que Kiev et les séparatistes règlent leurs différends par la négociation.
Poutine devrait expliquer au monde que Washington poursuit la mise en place de mesures militaires provocatrices contre la Russie, avec des concentrations militaires sur les frontières russes et des appels pour davantage de telles concentrations, avec le projet sénatorial S 2277 qui a tout l’air d’un préparatif à l’entrée en guerre des Etats-Unis, avec des actions provocatrices et des accusations émanant de généraux importants et de hauts fonctionnaires étatsuniens contre la Russie, et avec des tentatives d’isoler la Russie et de lui infliger des dommages économique et politiques.
Poutine devrait expliquer au monde qu’il y a une limite aux provocations que les Russes peuvent supporter et que la Russie se croit en danger de subir une attaque nucléaire préventive de Washington. Poutine peut invoquer la décision de Washington de se retirer du Traité ABM concernant la limitation des systèmes antimissiles balistiques, de construire des bases antibalistiques aux frontières de la Russie, et du changement intervenu dans la doctrine militaire des Etats-Unis dont les forces nucléaires n’ont plus la fonction de représailles mais celle d’attaque préventive. Ces initiatives sont clairement dirigées contre la Russie (et contre la Chine – réveille-toi, Chine, tu es la prochaine !).
Poutine doit expliquer clairement que si le monde continue à tolérer les mensonges et les agressions de Washington, il en résultera non point une autre guerre désastreuse, mais la fin du de la vie sur Terre.
Il faut que les gouvernements du monde, en particulier ceux des vassaux de Washington en Europe, du Canada, d’Australie et du Japon, soient avertis qu’il leur incombe de ne plus permettre les agressions de Washington, sauf à assumer leur responsabilité dans le déclenchement de la IIIe Guerre mondiale.
Nous pourrions alors nous réjouir à la vue de Samantha Power, l’arrogante ambassadrice des Etats-Unis aux Nations Unies, et du roquet britannique apeuré, se lever et sortir de la salle des délibérations. Il ne fait aucun doute que Washington est dans l’impossibilité de réfuter ces accusations.
Voici le texte de la Doctrine Wolfowitz*qui régit la politique étrangère étatsunienne et qui condamne la planète Terre à mort :
“Notre premier objectif est d’empêcher la renaissance d’un nouveau rival, que ce soit sur le territoire de ce qui fut l’Union soviétique ou n’importe où ailleurs, rival qui constituerait une menace du même ordre que celle que faisait peser naguère l’Union soviétique. Cette considération dominante sous-tend la nouvelle stratégie régionale de défense et exige que nous nous efforcions d’empêcher une puissance hostile de dominer une région dont les ressources, dûment contrôlées, suffiraient à bâtir un pouvoir planétaire.“
L’expression “puissance hostile“ signifie tout pays qui n’est pas un vassal des Etats-Unis.
La Doctrine Wolfowitz impose aux Etats-Unis, à ses habitants, aux alliés européens crédules des Etats-Unis et à leurs peuples d’entrer en guerre avec la Russie et la Chine. A moins que la Russie et la Chine ne capitulent, le monde sera détruit.
La destruction du monde, c’est ce que les gouvernements idiots de l’Union Européenne et les média occidentaux presstitués encouragent en couvrant les mensonges et agressions de Washington.
* Paul Dundes Wolfowitz a été secrétaire adjoint à la Défense entre 2001 et 2005 dans le gouvernement de George W. Bush. (I.R. trad.)