Porter secours à Gaza en empruntant la voie maritime

par Gabriel Galice, 

Président de l’lnstitut international de recherches pour la paix à Genève GIPRI

Source : Horizons et débats

Zurich, 12 mars 2024

Près de 30000 civils palestiniens ont été tués par l’armée israélienne à Gaza, sans compter les personnes demeurées enfouies sous les décombres, les malades et les femmes enceintes décédées faute de soins médicaux, les handicapés à vie, les mutilés opérés sans anesthésie, les enfants kidnappés, les déplacements forcés de populations, les réfugiés qui passent l’hiver dans des abris précaires. Il faut s’attendre à de nouveaux décès à la suite de l’attaque annoncée sur Rafah. Sous couvert de «faire la guerre au Hamas» en riposte aux assassinats du 7 octobre, l’Etat d’Israël viole le droit international, notamment, selon les Conventions de Genève, le droit humanitaire international qui prescrit la protection des civils.


    Sans même attendre que soient rendus les jugements de la Cour pénale internationale (CPI) et de la Cour internationale de justice (CIJ), qui a été saisie par plusieurs Etats ou organisations, la communauté internationale se doit de faire respecter le droit et d’assurer la protection de la population de Gaza par des mesures concrètes.


    Le mardi 20 février 2024 au Conseil de sécurité des Nations unies, les Etats-Unis d’Amérique, donnant ainsi le feu vert à la poursuite des massacres, ont opposé leur troisième veto à un projet porté par l’Algérie et appelant les belligérants à une trêve humanitaire. En poursuivant ses opérations militaires arbitraires, l’Etat d’Israël fait fi de la décision prise le par la CIJ le 26 janvier 2024 au sujet de la prévention et la pénalisation du génocide dans la bande de Gaza.


    En 2011, du fait de tueries en grande partie fictives, le Conseil de sécurité a invoqué l’obligation de «protection» dans le but de prévenir la violence contre la Libye. En 2016, la Chambre des communes britannique a porté un jugement très critique sur les conditions et les conséquences de cette intervention militaire. Dans le cas de Gaza, où se situe «l’obligation de protection»?

La communauté internationale cautionne les massacres en refusant d’assumer ses responsabilités. Il faudrait de toute urgence qu’un groupe d’Etats prenne les siennes. Pour y parvenir, le moyen le plus simple serait de mettre fin au blocus maritime (juridiquement une «mesure coercitive unilatérale») de la bande de Gaza, illégal et pris en dehors de l’article 41 de la Charte des Nations unies.


    Sur ce thème des «sanctions», le GIPRI a tenu un colloque dont on trouvera l’écho dans son cahier numéro 12. Il est clair que les protestations et les remontrances ne sont d’aucune utilité. Il serait plus judicieux qu’un collectif d’Etats envoie vers Gaza des navires-hôpitaux, des porte-hélicoptères et des cargos de ravitaillement tout en faisant assurer la protection de cette flottille humanitaire par des forces navales et aériennes. Alors que plusieurs pays parviennent à déployer leur marine de guerre en mer Rouge afin de garantir la libre circulation des marchandises, il ne se trouverait pas un seul pays capable de protéger des milliers de vies humaines à Gaza?


    L’Allemagne a dépêché sa frégate Hessen en mer Rouge et annoncé un prochain ravitaillement pour Gaza. Mais comment les autorités allemandes peuvent-elles être sûres qu’Israël autorisera le transfert de de cette aide humanitaire jusqu’à ses destinataires? D’autant plus que cette autorisation est conditionnée par un embargo que les pays en question devraient appliquer à toute livraison d’armes aux belligérants à Gaza.


    Par leur passivité, les Etats se retrouvent complices des massacres perpétrés à Gaza, qu’il s’agisse ou non d’un génocide. Dans la mesure où la complicité de ces pays s’étend à leur population, il incombe à leurs citoyens de faire pression sur les décideurs politiques pour qu’ils mettent un terme à ces massacres.

(Traduction Horizons et débats)

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