Kosovo, la chute du Serpent

par Slobodan Despot

Source : Antipresse du 28 juin 2020

Alors que l’administration américaine lance une nouvelle initiative sur le Kosovo, l’inculpation de Hashim Thaçi vient faire capoter le processus. Mais elle rappelle aussi le désastre absolu qu’a été la confiscation, par l’OTAN, de la province sud de la Serbie. Punition tardive d’un bourreau ou règlement de comptes interne au camp occidental?

L'église de la Sainte-Trinité de Petrič, dynamitée en juillet 1999 dans un Kosovo sous administration otanienne.

«Les Albanais se sont joués de nous comme on joue sur un Stradivarius.» (Général Lewis MacKenzie)

C’est un événement qu’on commémore peu à l’ouest, et qu’on se rappelle à peine: de mars à juin 1999, pendant 78 jours l’OTAN a intensément bombardé la Serbie à cause d’une prétendue «répression» de la population albanaise de sa province méridionale, le Kosovo. Après la signature des accords de Kumanovo, le 12 juin 1999, le Kosovo est passé sous le contrôle de la communauté internationale (lisez l’OTAN), tout en restant, soi-disant, partie intégrante de la Serbie. La tentative d’occupation militaire de la province à partir de l’Albanie ayant échoué, on avait amadoué les Serbes à la table de négociation.

Promesses de papier et fake news en cascade

Mais cette concession diplomatique n’était qu’un chiffon de papier: en dépit d’une résolution des Nations Unies (n° 1244) affirmant la souveraineté de la Serbie, les alliés et «partenaires» des séparatistes albanais — lisez l’OTAN — se sont mis à reconnaître l’État «indépendant» du Kosovo sitôt que M. Thaçi et son clan eurent unilatéralement proclamé leur indépendance. Étrangement, la Suisse supposée vertueuse et neutre, au temps de sa ministre des affaires étrangères Micheline Calmy-Rey, fut parmi les États les plus empressés à reconnaître cette entité issue d’un arrachage territorial. Peut-être était-ce une manière de relâcher la pression des Américains au temps de l’affaire dite des fonds en déshérence en servant de poisson-pilote?(1)

Pour faire avaler à l’opinion mondiale une telle série de violations du droit, il aura fallu littéralement lui laver le cerveau en peignant les Serbes comme des nazis et tous les Albanais, indistinctement, comme leurs victimes. Ce qui faisait passer à la trappe tout à la fois les crimes des Albanais contre les Serbes et le sort ultérieur de toutes les minorités ainsi que des Albanais loyaux à l’État serbe.

La suite est un long cauchemar pour les Serbes, mais aussi pour les Monténégrins, les Tziganes et autres minorités présentes au Kosovo. Le pogrom antiserbe de mars 2004, sous le nez des «soldats de la paix» occidentaux, fut particulièrement massif et brutal. Au total, quelque 250 000 Serbes ont été exilés de la province, tandis que mille ont disparu sans traces ou ont été assassinés. Sans l’intervention des parachutistes français commandés par le colonel Jacques Hogard, la région à majorité serbe de Mitrovica (nord de la rivière Ibar) eût été ethniquement nettoyée dès les premiers jours du cesser-le-feu. Au sud de cette ligne, les quelque 100 000 Serbes restants vivent dans des poches précaires, victimes d’un harcèlement perpétuel (qui ces dernières semaines a connu une recrudescence).

Sur le plan culturel, 150 églises ont été détruites, cependant que l’on construisait ou reconstruisait à leur place 800 mosquées. Cerise sur le gâteau, le nouvel État albanais s’est proposé de s’approprier les monuments chrétiens encore restés debout en les rattachant à son héritage national.

La promesse de rétablissement de la sécurité et de la justice — principal argument de l’occupation occidentale — n’était elle aussi que du papier. Enlèvements, intimidations et expropriations se poursuivent. L’enquête menée en 2010 par le magistrat suisse Dick Marty sur le trafic d’organes humains (souvent prélevés à vif) au Kosovo a abouti à des conclusions accablantes pour le pouvoir local — mais non surprenantes, puisque l’ancienne Procureure du Tribunal international pour l’Ex-Yougoslavie (TPIY), Carla del Ponte, mentionnait ce trafic dès 2008 dans ses mémoires. Étrangement, comme dans la Belle au Bois dormant, le Conseil de l’Europe, à qui il était destiné, s’est endormi dessus.

Par ailleurs, les quelques tentatives entreprises pour juger de hauts responsables kosovars et ex-terroristes comme le «premier ministre» et ancien videur de boîte de nuit en Suisse, Ramush Haradinaj, ont tourné court — par disparition physique des témoins! Peu étonnant lorsqu’on sait que Haradinaj était physiquement protégé par l’armée U. S.!

Le seul État qu’on «dé-reconnaît»

Une telle caricature d’État, qui est aussi une plaque tournante du trafic de drogue et d’armes en Europe, n’avait aucun avenir et ne pouvait qu’être un casse-tête diplomatique. La reconnaissance internationale du Kosovo a été très partielle, et même régressive: fait rarissime, une quinzaine de pays ont retiré leur reconnaissance. En ce moment, 92 États du monde reconnaissent le Kosovo, 96 ne le reconnaissent pas. Parmi ces derniers, l’ensemble des puissances échappant à la tutelle de l’empire atlantique: Russie, Chine, Inde, Brésil, Algérie, Iran… Soit les cinq septièmes de l’humanité. Une proportion qui, à elle seule, démontre l’irréalité de la «communauté internationale», concept imposé par l’OTAN lorsqu’elle prétendait prendre des décisions au nom et à la place de la Terre entière.

Le seul pays dont la reconnaissance du Kosovo soit encore intéressante et nécessaire aujourd’hui, reste… la Serbie! Seule cette reconnaissance pourrait légaliser le viol flagrant du droit international que constitue l’existence de l’État du Kosovo. Elle est donc une condition préalable à l’adhésion de la Serbie à l’UE.

Le protagoniste le plus «méritant» pour cette situation grotesque, dans l’équipe locale, n’est autre que Hashim Thaçi, ex-chef de l’organisation UÇK (labellée terroriste en 1998 par les USA eux-mêmes), ex-Premier ministre et actuel président de l’entité hypothétique. Son inculpation soudaine par le TPI, le 24 juin, pour «crimes contre l’humanité et de crimes de guerre, y compris meurtre, disparition forcée de personnes, persécution et torture» est une surprise qui aura des ramifications intéressantes. Si, comme l’annonce la presse, Thaçi est «rattrapé par son passé», c’est un passé riche d’amitiés et de protections au cœur des démocraties. N’a-t-il pas assisté aux célébrations de la Victoire, le 11 novembre 2018, au deuxième rang des invités d’honneur d’Emmanuel Macron, alors que le président serbe (pourtant représentant d’un peuple ami qui eut une contribution importante à la victoire) était relégué dans une tribune latérale?

On est loin de son arrestation, et plus loin encore d’une condamnation, mais la décision même d’émettre cette inculpation à quelques jours d’une négociation «historique» serbo-kosovare initiée par l’administration Trump force à s’interroger sur le but réel de ce coup de théâtre.

Pourquoi maintenant?

Le TPI est dès ses origines une organisation voulue et sponsorisée par les États-Unis, qui par ailleurs ne reconnaissent pas son autorité sur leurs propres soldats. Le TPI n’a par exemple même pas envisagé d’inculper des aviateurs de l’OTAN pour les meurtres délibérés de civils (y compris albanais) commis durant les bombardements de 1999. Lorsqu’elle accepta le poste de procureur, la Suissesse Carla del Ponte déclara dans la NZZ qu’elle n’avait «rien à refuser» aux Américains.

On sait qu’aux yeux des Américains, les alliés ne sont que des consommables. Cent potentats parmi lesquels Noriega, Saddam Hussein ou même Milošević, en savent quelque chose. (Ce dernier, que j’ai connu, avait travaillé comme banquier aux USA et avait reçu des «assurances» de Washington, notamment au temps des accords de Dayton, quant à son rôle de pivot et de pacificateur dans les Balkans. Il fut balayé en 2000 par le mouvement Otpor, prototype des révolutions colorées.)

Pour l’Empire, ou en tout cas son aile «deep state», l’inculpation de Thaçi pourrait être une double aubaine. D’un côté, on se débarrasse d’un fort à bras qui ne sert plus. De l’autre, on saborde une initiative venant de l’équipe Trump — et l’on prive ainsi le rouquin d’une éventuelle victoire diplomatique façon Corée du Nord. A quelques mois des élections US, on l’a vu ces derniers jours, tous les coups sont permis.

Hashim Thaçi, bien évidemment, ne se laissera pas faire si facilement. Il ne tombera pas sans combattre — et il le claironne: sur son profil Facebook, il vient d’étaler les armes de l’UÇK, rouge sur fond noir. Avec qui ne s’est-il pas fait prendre en photo, dans son treillis de terroriste ou, plus tard, son costume anthracite de la bonne maison? Madeleine Albright, Bernard Kouchner, Alain Juppé, sans compter la crème des généraux de l’OTAN. Et puis, bien sûr, le président Macron® qui n’en rate pas une — mais qu’on peut en l’occurrence créditer d’ignorance. Il n’avait que 22 ans au temps de la guerre du Kosovo.

Les Yankees sont immunisés contre ce genre de compromissions. Ils ne reconnaissent même pas les cours qu’ils instrumentent. Les Européens, eux, y sont plus sensibles. Depuis dix ans, le terrible rapport Marty au conseil de l’Europe pointe du doigt leur inaction. Depuis vingt ans, leurs déclarations dans la presse, leurs embrassades avec les criminels et leurs tribunes — de même que leur propagande antiserbe effrénée, véritable anthologie de fake news, ont construit la carrière de celui qui est désormais pointé du doigt pour «meurtre, disparition forcée de personnes, persécution et torture». Le 7 mai 1999, en plein bombardement de la Serbie, la brochette d’«humanitaires» usuels — dont le professeur Paul Garde, auteur d’un ouvrage considéré «de référence» sur la Yougoslavie — publiaient dans Le Monde une pétition exhortant l’Occident à soutenir encore mieux l’UÇK. Donc, à déverser encore plus de bombes sur les populations concernées. «L’UCK a le mérite d’exister», écrivaient-ils. Dévoilant par la même une échelle du mérite sur laquelle les tribunaux pourraient une fois les interroger. Soyons assurés que M. Thaçi n’oubliera pas de convier ses vieux amis à la cérémonie. A moins, évidemment, qu’il ne soit «epsteinisé» dans sa cellule.

NOTE
  1. En tout cas, il y a des coups de main qui ne s’oublient pas. Mme Calmy-Rey préside aujourd’hui une fondation humanitaire créée par la famille d’origine kosovare Orllati, groupe de travaux publics connu pour sa croissance fulgurante en Suisse romande.

Un peu de lectures

À propos de ce «cas d’école» de désinformation (selon le regretté connaisseur Vladimir Volkoff), que fut la guerre civile yougoslave et en particulier la phase «Kosovo», quelques lectures utiles, sinon indispensables:

* * *

Deux questions au colonel Jacques Hogard

Dans un livre bref et captivant, Jacques Hogard a raconté ses douze jours fatidiques au Kosovo «pacifié» par l’OTAN en juin 1999. Il ne mâche pas ses mots sur le «Serpent» de l’UÇK et ses alliés.

Le «président» de la très fantoche «république du Kosovo» va-t-il vraiment finir en prison? Et quels cadavres risqueraient, à cette occasion, de sortir du placard?

JH: Des esprits chagrins veulent parier que ses puissants protecteurs, les réseaux liés à l’administration Clinton, le sortiront de ce mauvais pas, tant espéré pourtant depuis 21 ans par les Serbes, les Roms, les Goranis et même les Albanais du Kosovo, victimes de sa sauvagerie et de celle de ses complices de l’UCK: les Ramush Haradinaj, Agim Ceku, Fatmir Limaj, Rexhep Rexhepi, Samir Lushtaku… etc.

Pourtant, ce pourrait bien être cette fois la chute finale de ce gangster impitoyable qui, issu d’un clan mafieux kosovar à la triste réputation, émerge subitement en 1999 lors des «négociations de Rambouillet», propulsé sur la scène politique par la vieille sorcière Madeleine Albright, cette égérie maléfique de la tribu Clinton, qui se prend d’amour pour ce petit voyou et lui voit alors un destin «national». Le chef de l’UCK, le parrain du crime organisé au Kosovo et de l’abominable trafic d’organes, déjà surnommé «le serpent», éliminant sans pitié les Albanais du Kosovo loyaux à Belgrade ou tout simplement pacifistes, tels ses rivaux de la LDK, va jouer un rôle éminent en 1999 et dans les années qui vont suivre, alternant les fonctions de «premier ministre», de «chef de la diplomatie» (!) et de «président» à la tête du ramassis de voyous qui s’intitule «gouvernement de la république du Kosovo».

Cette fois pourtant, ce pourrait bien être la chute finale du «Serpent», car le dossier est ficelé, complet, avec toutes les preuves, tous les témoignages: oui, Hashim Thaçi est bien un criminel barbare auteur de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre, perpétrés sans distinction contre tous ceux qui s’opposaient à ses plans. 

Il y a quatre ans, j’ai su par un magistrat français que le dossier était bouclé. Celui de Thaçi, mais aussi celui de l’UÇK ainsi que de leurs soutiens étrangers.

Il ne me surprendrait pas que le temps écoulé depuis, ces quatre ans précisément, qui m’ont semblé long et parfois fait douter, je l’avoue, n’ait été en fait celui de la réflexion pour ces derniers et qu’ils aient en conséquence décider de le lâcher enfin, pour en quelque sorte se dédouaner eux-mêmes. 

J’en fais le pari: tous ceux qui comme le Pape François, le président Macron, Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, Bernard Kouchner et bien d’autres responsables officiels, notamment de l’OTAN et de l’Union Européenne, lui ont réservé dans un passé récent un chaleureux accueil, préféreront dans les mois et années à venir lui tourner le dos avec superbe!

  • Article de Slobodan Despot paru dans la rubrique «Le Bruit du Temps»de l’Antipresse n° 239 du 28/06/2020.

Principale lacune des mesures anti-pandémiques prises par la France et la Suisse

Ivo Rens

Professeur honoraire

Faculté de droit

Université de Genève

J’ai écouté hier soir 16 mars 2020 les propos du Conseiller fédéral Berset, puis le discours du Président Macron énonçant des mesures vigoureuses pour tenter de ralentir puis de tarir la progression de la pandémie. Qui contesterait pareil objectif ?

Les mesures françaises sont particulièrement attentatoires à la liberté de déplacement qui n’est autorisée que pour cinq motifs jugés légitimes. Je trouve ces restrictions drastiques indument limitatives et mal rédigées. Pourquoi ne pas avoir tenu pour légitime le retour d’une personne à son domicile à l’étranger ?

Plus grave socialement : tant le Conseiller fédéral que le Président français n’ont pas décidé, ni même envisagé, semble-t-il, l’instauration du rationnement.

Or, les supermarchés et autres magasins d’alimentation des deux pays sont quotidiennement vidés de victuailles, laissant vides les étals et étagères de nourriture depuis plusieurs jours. Je crains qu’en affirmant que ces commerces seront toujours réapprovisionnés, les autorités des deux pays ne sous-estiment les risques de pénurie alimentaire et ne favorisent la constitution de stocks destinés au marché noir.

La seule façon de garantir l’absence de pénurie alimentaire des catégories sociales défavorisées est d’instaurer le rationnement des principaux nutriments. C’est là une leçon de la IIème Guerre mondiale en Europe et en Afrique du nord. Or, dans son discours, le Président Macron a pesamment insisté sur le fait que la France était en guerre…

Le Traité FNI enterré, les nouveaux euromissiles arrivent. L’Europe complice.

par Manlio Dinucci

Mondialisation.ca, 3 août 2019

ilmanifesto.it

https://www.mondialisation.ca/le-traite-fni-enterre-les-nouveaux-euromissiles-arrivent/5635871

 

 

Le secrétaire d’état Mike Pompeo a annoncé le 2 août 2019, après six mois de suspension, le retrait définitif des États-Unis du Traité sur les Forces nucléaires intermédiaires (INF ou FNI), accusant la Russie de l’avoir “délibérément violé, mettant en danger les intérêts suprêmes USA”. À cette nouvelle n’a été donné en Italie que très peu d’écho politique et médiatique (l’Ansa –agence de presse nationale italienne– ne lui a consacré que quelques lignes). Et pourtant nous sommes devant une décision qui a de dramatiques implications pour l’Italie, exposée comme d’autres pays européens à se tenir en premières lignes dans une nouvelle confrontation nucléaire USA-Russie non moins dangereuse que celle de la guerre froide.

Le Traité FNI, signé en 1987 par les présidents Gorbachev et Reagan, élimina tous les missiles nucléaires à courte portée et à portée intermédiaire (entre 500 et 5 500 Km) avec base au sol, avant tout les missiles balistiques Pershing 2, déployés par les États-Unis en Grande-Bretagne, Italie, Allemagne de l’Ouest, Belgique et Pays-Bas, et en même temps les missiles balistiques SS-20 (appellation occidentale) basés par l’Union Soviétique sur son propre territoire.

En 2014 l’administration Obama accusait la Russie, sans apporter aucune preuve, d’avoir expérimenté un missile de croisière (sigle 9M729) de la catégorie interdite par le Traité et, en 2015, annonçait que “face à la violation du Traité FNI par la Russie, les États-Unis sont en train de considérer le déploiement en Europe de missiles avec base au sol”. Le plan a été confirmé par l’administration Trump : en 2018 le Congrès a autorisé le financement d’”un programme de recherche et développement d’un missile de croisière lancé du sol par plate-forme mobile sur route”.

De son côté, Moscou niait que son missile de croisière violât le Traité et, à son tour, accusait Washington d’avoir installé en Pologne et Roumanie des rampes de lancement de missiles intercepteurs (ceux du “bouclier”), qui peuvent être utilisées pour lancer des missiles de croisière à tête nucléaire. Dans ce cadre il convient de garder à l’esprit le facteur géographique : tandis qu’un missile nucléaire USA à portée intermédiaire, basé en Europe, peut frapper Moscou, un missile analogue basé par la Russie sur son propre territoire peut frapper les capitales européennes, mais pas Washington. Si l’on inverse le scénario, c’est comme si la Russie déployait des missiles nucléaires à portée intermédiaire au Mexique.

“Les États-Unis -souligne Mike Pompeo dans sa déclaration- apprécient grandement la constante coopération et détermination des alliés OTAN dans leur réponse à la violation russe du Traité”. Appréciation méritée : les alliés, Italie comprise, ont déclaré la Russie coupable d’avoir violé le Traité en acceptant les yeux fermés l’accusation faite par les USA sans aucune preuve réelle.

L’effacement du Traité FNI, suspendu aussi par la Russie le 3 juillet, s’insère dans une nouvelle course aux armements désormais basée non tant sur la quantité mais sur la qualité des armes nucléaires et de leurs vecteurs, et sur leur localisation. Des sources militaires informent que les États-Unis sont en train de mettre au point de nouveaux missiles nucléaires à portée intermédiaire avec base au sol, aussi bien de croisière que balistiques (ceux-ci capables de frapper leurs objectifs à 6-8 minutes du lancement). La Russie a prévenu que, s’ils sont basés en Europe, elle pointera ses missiles nucléaires sur les territoires où les missiles USA seront installés.

L’enterrement du Traité FNI a un objectif stratégique ultérieur. C’est ce qu’a révélé Pompeo lui-même, en accusant la Chine de déployer (sur son propre territoire) des missiles nucléaires à portée intermédiaire avec base au sol avec lesquels “elle menace les États-Unis et leurs alliés en Asie”. Le secrétaire d’état Pompeo prévient ensuite : “Il n’y a pas de raison que les États-Unis continuent à concéder cet avantage militaire crucial à des puissances comme la Chine”. Les USA donc se préparent à déployer de nouveaux missiles nucléaires à portée intermédiaire non seulement contre la Russie mais aussi contre la Chine. Toutes les deux en mesure de répondre en déployant de nouvelles armes nucléaires.

Significative la position de la Commission Européenne, qui a déclaré hier : “Nous encourageons à préserver les résultats du Traité FNI, nous devons être attentifs à ne pas prendre la voie d’une nouvelle course aux armements qui réduirait les résultats significatifs atteints après la fin de la Guerre froide”. Il faut un sacré toupet pour déclarer cela, après que cette même Union européenne a contribué à l’enterrement du Traité FNI : à l’Assemblée Générale de l’ONU (21 décembre 2018), l’Union européenne compacte a rejeté la résolution par laquelle la Russie proposait de préserver le Traité en établissant des mécanismes de vérification et des négociations. L’Union européenne a donné ainsi de fait le feu vert à l’installation de nouveaux missiles nucléaires USA en Europe, Italie comprise.

 

Article original en italien :

Affossato il Trattato Inf, in arrivo nuovi euromissili 

Édition de samedi 3 août 2019 de il manifesto
Traduit de l’italien par Marie-Ange  Patrizio

La source originale de cet article est ilmanifesto.it

Copyright © Manlio Dinucciilmanifesto.it, 2019

 

Comment l’UE et l’OTAN créent des crises et préparent des guerres

Interview d’Ullrich Mies* accordé à Nicolas Riedl (rubikon)

Source : Horizons et débats,

Zurich, 24 juin 2019

 

«Prêter à la Russie l’intention d’attaquer n’importe quel pays est une propagande diabolique du complexe occidental de renseignement et de communication. Ce n’est pas la Russie qui s’est rapprochée du continent américain ou de l’UE avec sa puissance militaire, mais c’est l’OTAN qui étouffe la Russie. Un coup d’œil sur la carte géographique suffit pour démasquer la propagande comme un mensonge.»

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  1. Ullrich Mies, entrepreneur et auteur, a publié un nouveau livre intitulé «Der Tiefe Staat schlägt zu. Wie die westliche Welt Krisen erzeugt und Kriege vorbereitet» [Le pouvoir de l’ombre attaque. Comment le monde occidental produit des crises et prépare des guerres]. Cet ouvrage est une suite de son premier livre intitulé «Fassadendemokratie und Tiefer Staat. Auf dem Weg in ein autoritäres Zeitalter» [Démocratie de façade et pouvoir de l’ombre. En route vers une époque autoritaire]. Son nouveau livre donne la parole à des auteurs analysant avant tout les dangers de guerre émanant du pouvoir de l’ombre [Deep State].

Nicolas Riedl: Pour quelles raisons avez-vous publié un second livre? 

Ullrich Mies: Lors des présentations du livre, j’ai remarqué que nous avions atteint un point névralgique en 2017 avec le titre «Démocratie de façade et pouvoir de l’ombre». Le public a toujours été d’accord avec l’affirmation que nous vivons dans une démocratie de façade. Cependant, les forces se cachant derrière ce gouvernement occulte n’étaient pas reconnaissables pour la plupart des lecteurs. Le premier livre a fourni la réponse à cette question.
Le nouveau livre «Le pouvoir de l’ombre attaque» explique comment les élites au pouvoir ont réussi à détruire les dividendes de la paix de 1990 et comment elles ont réussi à conduire le monde dans un nouvel Etat d’avant-guerre. J’adopte également une approche beaucoup plus globale du terme anglais «Deep State» que celle généralement admise: je le décris comme l’espace sombre du pouvoir. Certaines parties sont visibles, les parties essentielles ne le sont pas. Dans cette espace sombre, la lutte des classes est organisée d’en haut. Les acteurs du pouvoir de l’ombre ne sont ni élus ni ne peuvent être destitués. Ces derniers sont les représentants du modèle radical de marché du capitalisme occidental. Les idéologues néoconservateurs y jouent un rôle décisif. Le pouvoir de l’ombre et les acteurs néoconservateurs ne peuvent être séparés.
Dans le livre «La démocratie de façade et le pouvoir de l’ombre» la perspective internationale du pouvoir de l’ombre manquait. Dans «Le pouvoir de l’ombre attaque. Comment le monde occidental produit des crises et prépare des guerres», je présente un recueil de contributions dont les 16 auteurs montrent comment les élites occidentales au pouvoir ont érodé l’ordre international dans un processus commencé depuis d’environ 25 ans.

Quels auteurs avez-vous trouvés pour le nouveau livre?

Les personnes ayant contribué à cet ouvrage sont, dans l’ordre de la table des matières, Rainer Rupp, Eugen Drewermann, Jochen Scholz, Hannes Hofbauer, Tilo Gräser, Annette Groth, Kees van der Pijl, Chris Hedges, Nicolas J.S. Davies, John Pilger, Ullrich Mies, Vladimir Kozin, Wolfgang Jung, Aktham Suliman, Mohssen Massarrat et Ernst Wolff. Comme vous le reconnaissez aux noms, j’ai pu attirer un certain nombre d’auteurs étrangers, notamment des Etats-Unis. Avec Vladimir P. Kozin, il y a également un éminent expert russe s’occupant des questions du contrôle des armements depuis de nombreuses décennies.

Que souhaiteriez-vous transmettre à vos lecteurs?

A travers l’analyse des événements politiques internationaux, l’ouvrage vise à contribuer à une meilleure compréhension des bouleversements actuels sur la scène internationale. Après l’avoir lu, le lecteur comprendra mieux certains développements politiques, notamment les relations de l’Occident avec la Russie. J’explique, par exemple, pourquoi l’affirmation propagandiste de l’Occident selon laquelle la crise de Crimée était un acte arbitraire de la Russie n’est pas correcte. Ce n’était rien de plus que le résultat du processus d’élargissement vers l’Est entrepris par l’OTAN et l’UE depuis 25 ans. La prétendue politique étrangère de l’Occident et son industrie de la désinformation détourne délibérément les événements de l’époque récente ayant conduit au désaccord avec la Russie.
Cependant, celui qui ne comprend pas l’histoire contemporaine comme une chaîne de décisions et d’événements et ne tient compte que du dernier chaînon – comme la sécession de la Crimée – ne comprend rien du tout. Les élites dirigeantes occidentales sont les initiatrices principales des conflits et des guerres sur notre terre.
De nombreux hommes politiques honorables ayant, après la chute du mur de Berlin, joué un rôle décisif comme architectes de la Maison commune d’une Europe pacifique et unie, sont décontenancés face à la politique actuelle du gouvernement fédéral allemand à l’égard de la Russie.
Je ne nie pas l’existence, aujourd’hui comme dans le passé, de politiciens honnêtes. Cependant, il est fort rare de trouver de tels politiciens dans les instances dirigeantes. Majoritairement, ce sont avant tout des opportunistes et des apparatchiks corrompus ayant uni leurs forces à celles du pouvoir économique et financier. Ils ne s’occupent en rien de la population en général, de l’environnement et de la paix dans le monde. La Conférence de Munich sur la sécurité et l’une de ces scènes ou se retrouvent les bellicistes occidentaux. L’auteur Tilo Gräser se concentre dans son article sur la conférence de l’année 2018.
Revenons à l’occasion historiquement unique suite aux événements de 1989: la destruction des dites dividendes de la paix après 1990/91 a suivi un scénario écrit par les cadres néoconservateurs de l’Etat profond des Etats-Unis. Après la disparition de la concurrence des systèmes USA/URSS, les néoconservateurs américains avaient carte blanche, notamment sous le président Bush junior. Après une phase d’orientation, ils ont vu leur chance de revitaliser l’entière domination mondiale par les Etats-Unis, un concept existant depuis environ 100 ans.

Comment le monde occidental a-t-il pu retomber dans une spirale de méfiance, de course aux armements et de dissuasion mutuelle après les expériences de la guerre froide? Quelle est la probabilité d’une escalade de tensions entre l’Ouest et l’Est?

La raison première des distorsions sur la scène internationale est la prétention des Etats-Unis à dominer le monde. Les Etats-Unis définissent le monde entier, en particulier l’espace eurasien, comme leur intérêt sécuritaire. Mais cela va bien au-delà. La prétention américaine à la domination du monde s’appuie sur l’idéologie de la «full-spectrum-dominance» et comprend désormais, outre les trois armées traditionnelles armée de terre, armée de l’air et marine, d’autres armes: «space», «cyberspace», «guerre de l’information» ainsi que la surveillance totale.
De même, l’admission continuelle de nouveaux pays dans l’alliance de l’OTAN sert l’expansion de l’idéologie et des domaines de pouvoir des Etats-Unis jusqu’aux fins fonds de la zone eurasiatique. De 1990 à aujourd’hui, les impérialistes transatlantiques ont procédé en plusieurs phases.
Il y a d’abord eu une phase d’orientation de l’alliance et de recherche de nouvelles tâches de 1990 à 1993, suivie de la revitalisation de la revendication américaine au leadership mondial, du maintien de du renforcement de cette domination et de la consolidation des plans d’expansion de l’OTAN de 1994 à 1998, puis de 1999 à 2001, la première phase d’agression, notamment la guerre en Yougoslavie, le 11-Septembre, la «guerre contre le terrorisme», la guerre contre l’Afghanistan et la première phase de l’expansion de l’OTAN avec la Pologne, la République tchèque et la Hongrie.
La deuxième phase de l’agression est selon mon point de vue, la période 2002–2010. C’est la consolidation de la domination mondiale revendiquée par les Etats-Unis, l’annulation du traité ABM, les guerres contre l’Irak, la Libye, la Géorgie, les deux phases d’élargissement de l’OTAN avec l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Roumanie, la Bulgarie, la Slovénie, la Slovaquie, puis l’Albanie et la Croatie.
La troisième phase de l’agression est à mon avis la période allant de 2011 à 2013 avec le début de la guerre en Syrie et l’hostilité ouverte contre la Russie. Au cours de ces années, ont lieu divers manœuvres militaires et le déploiement d’armes lourdes aux frontières russes.
La quatrième phase commence selon moi en 2014 avec le coup d’Etat en Ukraine, l’escalade de la guerre en Syrie, les guerres de propagande, le régime des sanctions et de la guerre économique, la russophobie, les manœuvres militaires excessifs, l’armement, la dénonciation du traité nucléaire avec l’Iran et du traité FNI. La quatrième phase de l’élargissement de l’OTAN avec le Monténégro en 2017 s’inscrit également dans cette perspective.
Nicolas S. Davies présente dans sa contribution les traces de sang laissées par les Etats-Unis dans leurs guerres depuis le 11-Septembre. Son résultat est le suivant: les guerres menées par les Etats-Unis depuis 2001 ont coûté la vie à entre 5 et 7 millions de personnes.
A mon avis, les élites néoconservatrices de la politique étrangère américaine ainsi que leurs vassaux transatlantiques en Allemagne et dans d’importants Etats membres de l’UE ont conduit les peuples dans d’innombrables pays – même en Europe – à cette tragédie. Kees van der Pijl a préparé une contribution intéressante sur ces liens intitulée: «L’axe du mal – la NeoCon-Connection US/Israël».

La Suède a récemment publié une série télévisée sur une invasion de la Norvège par la Russie. Est-ce une coïncidence ou pensez-vous qu’on veut ainsi renforcer le climat russophobe? 

Franklin D. Roosevelt, président des Etats-Unis de 1933 à 1945, a dit un jour: «Rien n’arrive par hasard en politique. Si quelque chose se passe, vous pouvez être certain que cela a été planifié ainsi.» En clair: tout est intentionnel. La Norvège, la Suède et la Finlande sont d’une grande importance pour les stratèges de l’OTAN et une potentielle guerre contre la Russie. Le fait que deux secrétaires généraux de l’OTAN d’affilée soient des Scandinaves, Jens Stoltenberg et son prédécesseur Fogh Rasmussen, n’est pas non plus un hasard. Cela sert à lier ces pays à l’OTAN.
Le climat russophobe a été et est toujours créé avec toutes les techniques de propagande disponibles. L’infiltration culturelle et militariste du public à l’aide de films, de séries télévisées, de publicité, d’affiches grand-format, etc. est très importante. Ce sont des techniques subtiles ne manquant pas d’avoir un effet dans le subconscient des masses. Ainsi, le mauvais Russe est de manière subliminale ancré dans la conscience des masses. La plupart des gens ne reconnaissent pas les techniques perfides du pouvoir, car ils ne peuvent même pas penser aussi malicieusement que les élites. Le climat russophobe fait partie de l’installation de la «guerre froide 2.0».

Les habitants du nord et de l’est de l’Allemagne vivent le réarmement et le déplacement de matériel militaire lourd vers l’Est dans la vie quotidienne, par exemple les camions militaires dans les rues. Les wagons de marchandises chargés de blindés ont désormais la priorité face aux transports de voyageurs de la Deutsche Bahn. L’UE veut investir 6,5 milliards d’euros pour rendre les routes et les voies ferrées appropriées au déplacement de chars vers l’Est. Pouvez-vous comprendre que les pays de l’ancien bloc de l’Est se félicitent de ces développements? Certes, les habitants des pays de l’ancien bloc de l’Est sont encore conscients de l’aversion pour tout ce qui est russe. Selon moi, ce qui est plus déterminant c’est l’alignement mental des élites politiques d’Europe de l’Est sur l’idéologie transatlantique américaine, suite à des investissements à long terme et une multitude de programmes de soutien, de bourses d’études, de séjours de recherche, de connexions et de réseaux.

L’Allemagne joue un rôle particulier en étant devenu un pays de transit pour les armes lourdes. C’est aussi un dépôt d’armes nucléaires, une plate-forme logistique, un site pour quelque 40 000 militaires américains, un centre de contrôle pour les assassinats par drones dans le monde entier, un site pour Africom et Eucom. Dans son nouveau livre, Wolfgang Jung explique que l’Allemagne sera avant tout un futur champ de bataille. Je trouve extrêmement troublant, voire insidieux, que le dit establishment de politique étrangère de l’Allemagne ne tienne pas compte de ces faits.

Ne devrait-il pas être clair pour tous les citoyens de l’ancien bloc de l’Est pensant logiquement que, du point de vue de la Russie, il serait totalement suicidaire d’attaquer un de ces pays ou même de l’annexer? Prêter à la Russie l’intention d’attaquer n’importe quel pays est une propagande diabolique du complexe occidental de renseignement et de communication. Ce n’est pas la Russie qui s’est rapprochée du continent américain ou de l’UE avec sa puissance militaire, mais c’est l’OTAN qui étouffe la Russie. Un coup d’œil sur la carte géographique suffit pour démasquer la propagande comme un mensonge.

Jusqu’en 1977, il était prévu de détruire l’URSS avec 10 000 armes nucléaires. Cet esprit de folie existe-t-il encore aujourd’hui? Bien sûr, cet esprit de folie persiste, et les fous, pour rester dans l’image, disposent du pouvoir de faire de leurs idées une réalité. Ou bien pensez-vous que les peuples seraient si fous au point de s’anéantir mutuellement ou de menacer la planète d’extinction nucléaire?

Cet esprit maléfique continue d’exister. Pour exercer la pleine terreur nucléaire, les Etats-Unis veulent mettre à disposition plus de 1200 milliards de dollars dans les 30 prochaines années. Les sociopathes et les psychopathes se perdant dans les jeux de stratégie d’extermination représentent un énorme danger pour l’humanité. La population ne devrait jamais oublier: les responsables politiques de toute cette folie se trouvent dans les gouvernements. Ceux-ci extorquent l’argent du peuple par des propos alarmistes et la production d’ennemis pour l’investir dans cet appareil d’extermination. Vladimir P. Kozin nous offre des informations à ce sujet dans sa contribution intitulée «La nouvelle guerre froide et l’escalade planifiée USA/Europe contre la Russie». Afin de comprendre toute cette folie, je fournis moi-même quelques aspects dans ma contribution intitulée «Comment la communauté de valeurs occidentale a installé la guerre froide 2.0».

Si l’empire américain, ou plutôt les élites trans­atlantiques, est intéressé par l’ouverture forcée de la Russie en tant que nouveau marché, n’est-ce alors pas totalement irrationnel de rendre d’immenses surfaces inhabitables pour les siècles à venir par des bombardements nucléaires? Pouvez-vous expliquer cela? 

Oui, ces diaboliques moteurs du génocide dans les appareils militaires américains et les think tanks transatlantiques pensent que la guerre nucléaire limitée est effectivement gérable, voire souhaitable sous certaines conditions, pour devancer par une frappe préventive l’ennemi qu’ils accusent toujours des pires intentions.
Le plus grand scandale se situe au niveau de la caste dirigeante de l’Allemagne préparant ou participant actuellement à la troisième tentative d’attaquer la Russie au cours du siècle écoulé. Si les cliques dirigeantes de Berlin entraient réellement en guerre contre la Russie, beaucoup d’Allemands refuseraient de suivre le régime attaquant. J’en suis certain. A mon avis, une guerre contre la Russie n’est possible qu’au prix d’une guerre civile. Mais qui sait quels développements se produiront réellement dans un tel cas? La guerre d’agression contre la Russie ne peut se faire qu’au prix de l’achèvement complet des droits civils par la mise en œuvre de l’état d’urgence et donc au prix d’une éventuelle guerre civile et/ou partisane dans son propre pays.    •

 

Bibliographie:
Mies, Ullrich; Wernicke, Jens (éd.). Fassadendemokratie und Tiefer Staat. Auf dem Weg in ein autoritäres Zeitalter. Vienne 2017
Mies, Ullrich (éd.). Der Tiefe Staat schlägt zu. Wie die westliche Welt Krisen erzeugt und Kriege vorbereitet. Vienne 2019

(Traduction Horizons et débats)

Gravissime provocation occidentale contre l’Iran.

Des commandos britanniques ont arraisonné un superpétrolier iranien au large de Gibraltar au tout début de juillet.

par Ivo Rens

 

Le 4 juillet, le Grace 1, un pétrolier iranien géant long de 330 mètres contenant 2,1 millions de barils de brut a été arraisonné par la police et les doaunes de Gibraltar, en réalité par un commando de Royal marines britanniques. La Cour suprême de Gibraltar s’empressa d’avaliser cet arraisonnement en autorisant la détention du navire, d’abord pour 72 heures, puis pour une période de 14 jours, renouvelable. (1)

Le ministre espagnol des affaires étrangères, Joseph Borrell affirma que cet arraisonnement avait eu lieu après “une demande adressée par les Etats-Unis au Royaume Uni”.(2) De fait, John Bolton, Conseiller à la sécurité nationale du Président Donald Trump, accueillit cet événement comme une “excellente nouvelle”.

Le ministre des affaires étrangères du Royaume Uni déclara que le navire avait été intercepté en application des sanctions prise par l’Union Européenne contre la Syrie et il déclara à son homologue iranien que le pétrolier serait libéré si le Royaume Uni recevait des garanties que la cargaison n’était pas destinée à la Syrie.(3)

L’Iran protesta immédiatement auprès du Royaume Uni. L’arraisonnement du pétrolier « crée un dangereux précédent et doit cesser immédiatement », a pour sa part affirmé sur Twitter le ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif. Contestant la légalité de l’arraisonnement, il a rappelé que « l’Iran n’est pas un membre de l’UE et ne fait l’objet d’aucun embargo pétrolier européen ».(4)

De prime abord, on est surpris de voir le Royaume Uni appliquer avec intransigeance des sanctions de l’Union Européenne qu’il s’efforce de quitter, alors même que la validité juridique des ces sanctions est à tout le moins sujette à caution et que cet arraisonnement s’apparente à un acte de piraterie.

Ces événements ont fait monter la tension déjà considérable entre l’Iran le Royaume Uni et les Etats-Unis, au moment où les Etats européens, dont le Royaume Uni, prétendaient s’efforcer de sauver l’accord sur le nucléaire dénoncé par les Etats-Unis en mai de l’an dernier.

Il y a tout lieu de penser que l’Iran ne restera pas sans répliquer à cet arraisonnement par des contre-mesures lésant les intérêts britanniques, par exemple en coulant un pétrolier britannique dans le golfe. Mais ne serait-ce pas là précisément le prétexte recherché par les faucons américains ?

 

 

(1) Rivieramm.com 11.07.2019

(2) Figaro et AFP 05.07.2019.

(3) The Gardian, 13.07.2019.

(4) Connaissance des énergies,

https://www.connaissancedesenergies.org

 

Commémoration de vingtième anniversaire de la guerre de l’OTAN contre la République fédérale de Yougoslavie

Curieusement baptisée “Opération Force alliée”, la guerre de l’OTAN contre la République fédérale de Yougoslavie, certes en voie de dislocation, a duré 78 jours, du 23 mars au 10 juin 1999.

Décidée à la suite de l’échec des pourparlers entre les indépendantistes kosovars et la Yougoslavie, cette guerre se traduisit par le bombardement de la Serbie, principalement par les forces aériennes des EEUU, mais avec la participation active de la plupart des Etats membres de l’OTAN, à commencer par la Grande-Bretagne, la France, l’Italie, l’Espagne, le Canada, la Turquie, la Belgique, les Pays-Bas, le Danemark ainsi que l’Allemagne dont ce fut la première opération militaire à l’étranger depuis la IIe Guerre mondiale.

Pour les juristes indépendants, il ne fait guère de doute que cette guerre constitue une violation flagrante de la Charte des Nations unies, du droit international et même du ius in bello, car y furent utilisées des bombes à uranium appauvri qui continuent, vingt ans après, de causer souffrances et morts.

Cette guerre déboucha sur la proclamation de l’indépendance du Kossovo reconnue par un grand nombre d’Etats mais contestée par beaucoup d’autres. On en ignore souvent une autre conséquence, à savoir l’implantation au Kossovo par les EEUU d’une base militaire gigantesque puisqu’elle occupe une superficie de 3,865 km2, soit nettement plus que celle du Grand duché de Luxembourg (2’586 km2).

Pour commémorer ce vingtième anniversaire d’une guerre qui fut la première d’une série d’entreprises similaires déclenchées ailleurs dans le monde par le EEUU, une Conférence internationale pacifiste intitulée “Ne jamais oublier : favoriser la paix et la prospérité au lieu de la guerre et la pauvreté”, s’est tenue à Belgrade sous la présidence de Zivadin Jovanovic qui fut ministre des affaires étrangères de Yougoslavie de 1998 à 2000. Cette conférence rassembla plus de deux cents personnalités issues d’une trentaine de pays.

Le journal suisse Horizons et débats consacre, dans son numéro du 15 avril 2019, plusieurs articles à cette manifestation et à cet anniversaire. Nous en reproduisons trois ci-après.

  IR

Editorial

par Erika Vögeli

Source : Horizons et débats, Zurich, 15 avril 2019-04-18https://www.zeit-fragen.ch/fr/editions/2019/n-9-15-avril-2019/editorial.html

 

«Horizons et débats» a toujours condamné la guerre de l’OTAN dans les Balkans – comme toutes les autres guerres avant et après 1999 – et a constamment remis en question les reportages présentés dans les médias. Les conflits doivent être traités à la table de négociation, toute solution doit respecter tant le droit international et le droit des peuples à l’autodétermination ancré dans les pactes internationaux que les droits de l’homme des populations concernées. Concernant la vie de tous les habitants de cette seule et unique planète sur laquelle nous et les générations futures veulent vivre, nous avons toujours eu le souci d’attirer l’attention sur les crimes de guerre commis dans toutes ces guerres à l’aide d’armes qui, outre les dévastations immédiates, détruisent ou compromettent à long terme la vie des personnes touchées et leurs moyens de subsistance.
La devise de la conférence pour la 20e commémoration de la guerre d’agression de l’OTAN contre la République fédérale de Yougoslavie, «Agression de l’OTAN: ne jamais oublier», est en ce sens une mission d’humanité au service de la paix.
Ne pas oublier les terribles conséquences de la guerre pour les peuples concernés – de toutes les guerres, mais aussi de l’agression contre la République fédérale de Yougoslavie, la première guerre sur sol européen après le «Plus jamais!» des deux guerres mondiales –, c’est ce que nous devons aux victimes, aux générations actuelles et futures, mais aussi à l’égard de la vérité et de notre conscience.
Comme pour toutes les guerres, cette guerre aussi, débuta avec de la propagande et de la manipulation pour tenter d’induire en erreur notre pensée et d’endormir notre conscience. Sous prétexte d’agir au nom des droits de l’homme, les droits les plus fondamentaux de la population de ce pays ont été bafoués. Le droit international, la Charte des Nations Unies, les accords internationaux – tout fut ignoré au service des intérêts du pouvoir d’un «nouvel ordre mondial» proclamé.
Quiconque ne veut pas, en tant qu’être humain, se faire prendre ses pensées et ne veut pas s’orienter uniquement sur des «narratifs», mais aussi sur les faits et les sources, connaît aujourd’hui les mensonges ayant servi de prétexte à cette guerre-ci.
Le soir précédant la Conférence de Belgrade, on proposa aux participants déjà présents de s’imprégner de l’exposition de photos des 78 jours de bombardement de l’OTAN et de ses conséquences pour la population et le pays. Ce sont – comme toutes les images de guerre – des photos d’horreur, de souffrance humaine, de destruction volontaire posant sans cesse la question au spectateur: Pourquoi? Pourquoi les gens font-ils cela? Quiconque s’est déjà penché sur cette question se souviendra de la photo de la fillette vietnamienne, qui, en 1961, brûlée par du Napalm, court vers le spectateur. Comme celle-là, ces photos crient aussi dans la conscience du spectateur: «Qu’ai-je fait, qu’est-ce que nous vous avons fait?»
Au cours des deux jours de cette réunion, 78 orateurs ont exprimé de manières très diverses les raisons pour lesquelles cette guerre et ses victimes ne doivent pas être oubliées, pourquoi un tel oubli ouvre la voie à de nouvelles guerres et de nouvelles injustices, et comment l’un des dangers pour l’humanité aujourd’hui réside dans le manque d’interpellation des véritables responsables à assumer leurs responsabilités.
Ces raisons nous rappellent de quelle manière cette première guerre d’agression sur sol européen après 1945 à été préparée sans mandat du Conseil de sécurité des Nations Unies: avec des mensonges hasardeux, une déformation indescriptible de l’histoire, une diabolisation et un pilonnage médiatique – contre la Charte de l’ONU, les accords et traités internationaux, contre les rapports contraires présentés par d’hauts responsables de l’OSCE et contre les enquêtes ayant déjà démenti la rhétorique belliciste. Les participants se sont également mis d’accord sur la dimension géopolitique de l’ensemble – ce n’étaient pas des préoccupations «humanitaires», mais des objectifs géostratégiques très concrets poursuivis avec une brutalité inouïe.
Des paroles claires ont été prononcées par les représentants officiels de la Serbie. Alors que les autorités avaient été très prudentes au cours des années écoulées, on entend à l’heure actuelle des paroles beaucoup plus claires et plus explicites. L’actuel ministre serbe de la Défense, Aleksandar Vulin, par exemple, a qualifié l’objectif de guerre de tentative de faire disparaître la nation serbe, biologiquement et historiquement – biologiquement en ce qui concerne les armes utilisées, historiquement avec la tentative d’anéantissement de nombreux biens culturels historiques et de la dignité de la population de ce pays.
Bien que les représentants de la protection NBC de l’armée serbe aient déjà discuté des conséquences des munitions à l’uranium tirées en Serbie et au Kosovo à l’occasion de la 10e commémoration des bombardements. La pertinence de cette question était visible et clair pour tous les participants: les conséquences au sein de la population sont évidentes suite à la sérieuse augmentation des cancers et des décès, et la population demeure bien consciente des raisons de cette évolution.
Fulvio Grimaldi, journaliste italien de 85 ans, documentaliste et correspondant de guerre de longue date, entre autres à la Télévision italienne, a parlé de la dimension historique et culturelle: sur les théâtres de guerre du monde, il a observé comment, très souvent, les premières choses détruites sont les biens culturels afin de s’attaquer à l’identité culturelle des peuples. La politique de pouvoir de la globalisation ne supporte pas l’identité culturelle. Selon Grimaldi, il lui faut une «identité amorphe, n’ayant rien à voir avec une réelle identité».
Les sentiments et la pensée déterminent l’action humaine. Des informations authentiques et l’approfondissement d’une réflexion sur les évènements – par exemple ici en Serbie – engendrent une ouverture pleine de compassion envers autrui et contribuent au développement d’une culture de paix en soi et envers l’Humanité.

 

Sanja – un message de bienvenue adressé à la Conférence

par Willy Wimmer, ancien secrétaire d’Etat au ministère de la Défense, 

vice-président de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE de 1994 à 2000, 

Membre du Bundestag allemand de 1976 à 2009 

Source : Source : Horizons et débats, Zurich, 15 avril 2019

https://www.zeit-fragen.ch/fr/editions/2019/n-9-15-avril-2019/sanja-un-message-de-bienvenue-adresse-a-la-conference.html

 

La guerre d’agression sans précédent menée par les troupes de l’OTAN contre la République fédérale de Yougoslavie a un visage. C’est le visage de Sanja qui fut, à l’âge de quinze ans, arrachée à une vie prometteuse. Depuis six mois, elle était élève de l’internat d’élite pour mathématiques de Belgrade. Elle avait obtenu cette place comme la deuxième meilleure mathématicienne de sa classe d’âge. Elle était un grand espoir pour son pays, peut-être un digne successeur de Nikola Tesla. Elle fut tuée par des avions de combat de l’OTAN sur le pont de sa ville natale de Varvarin, tout comme d’autres, dans une attaque terroriste typique pour l’OTAN. Typique parce que le modèle correspondait à ce dont le monde avait dû prendre connaissance lors de l’attaque contre l’ambassade de la République populaire de Chine à Belgrade. Là aussi, il s’agissait pour les Etats-Unis de poursuivre la choquante guerre d’agression contre la République fédérale de Yougoslavie.
Il y a encore un autre visage de cette guerre. Celui du porte-parole de l’OTAN, Jamie Shea. Rarement un si petit nombre de personnes a menti à autant de gens avec d’aussi énormes conséquences comme cela fut le cas de la part de l’OTAN et des responsables politiques occidentaux dont Tony Blair, Josef Fischer et Madeleine Albright. L’esprit malsain avec lequel un pays a été agressé en temps de paix existe encore de nos jours. On ne peut évaluer autrement le fait que Christoph Heusgen, actuel conseiller en politique étrangère de la Chancelière allemande, ait récemment célébré Jamie Shea à Berlin de manière grandiloquente.
Nous devons être conscients des dimensions de cette guerre, aujourd’hui comme à l’époque. Cela peut être illustré par le refus d’un général britannique d’exécuter les ordres du commandant en chef de l’OTAN Wesley Clark lui demandant de lancer la prochaine guerre mondiale par une intervention contre les forces armées russes. C’est de quoi il s’agit quand on prend en compte la dimension des agressions de l’OTAN jusqu’aujourd’hui. La choquante attaque contre la République fédérale de Yougoslavie fut le coup d’envoi pour la «guerre initiant cette guerre d’agression». Ceux pour qui la Cour pénale internationale de La Haye avait été réellement prévue n’ont toujours pas pris place sur le banc des accusés.

 

Ancien expert de l’ONU : les sanctions nord-américaines au Venezuela sont largement responsables de la crise, peut-être un « crime contre l’humanité »

par Whitney Webb

1er février 2019

Source : https://www.investigaction.net/fr/ancien-expert-de-lonu-les-sanctions-nord-americaines-au-venezuela-sont-largement-responsables-de-la-crise-peut-etre-un-crime-contre-lhumanite/

Source originaire : https://www.mintpressnews.com/former-un-expert-us-sanctions-venezuela-largely-responsible-crisis-possible-crime-humanity/254334/

 

« Ce qui est en jeu, ce sont les énormes, énormes ressources naturelles du Venezuela. Et j’ai l’impression que si le Venezuela n’avait pas de ressources naturelles tout le monde se ficherait de Chavez ou de Maduro ou de qui que ce soit là-bas. » – Alfred de Zayas, ancien fonctionnaire des Nations unies.

Londres — Dans une interview approfondie accordée au journal britannique The Independent publié dimanche, l’ancien rapporteur spécial des Nations unies Alfred de Zayas a affirmé que les sanctions dévastatrices imposées au Venezuela par les États-Unis depuis plusieurs années sont illégales et constituent une « guerre économique » contre la République bolivarienne. De Zayas a également affirmé que ces sanctions nord-américaines pourraient constituer des « crimes contre l’humanité » selon le droit international, qu’elles portent une grande partie de la responsabilité pour la crise économique actuelle au Venezuela et ont provoqué des morts inutiles dans la population.

De Zayas, qui a terminé son mandat à l’ONU il y a moins d’une année, a critiqué le régime des sanctions étasuniennes – qui a commencé sérieusement en 2015, lorsque l’ancien président Barack Obama a déclaré sans preuve que le Venezuela était une « menace pour la sécurité nationale ». Depuis lors, le président Donald Trump a intensifié les sanctions et a aussi ouvertement envisagé une intervention militaire dans ce pays qui dispose des plus grandes réserves prouvées de pétrole au monde.

Ce n’est pas la première fois que de Zayas s’exprime sur les conséquences dangereuses des sanctions nord-américaines. En septembre dernier, il a présenté au Conseil des droits de l’homme des Nations unies un rapport explosif qu’il avait contribué à rédiger, démontrant que la « guerre économique » et en particulier les sanctions pratiquées par les États-Unis et leurs alliés ont considérablement aggravé la crise économique au Venezuela. Les États-Unis s’étaient retirés du Conseil des droits de l’homme quelques mois avant le publication du rapport de Zelaya, invoquant le prétendu parti pris de cet organisme contre Israël.

Bien que de Zayas ait aussi reproché au gouvernement vénézuélien, dirigé par le président Nicolás Maduro, sa trop grande dépendance au pétrole, sa mauvaise gouvernance et la corruption, son rapport appelait la Cour pénale international à enquêter sur les sanctions économiques imposées par les États-Unis au Venezuela comme un éventuel crime contre l’humanité conformément à l’article 7 du Statut de Rome.

Dans son rapport, dont de Zayas affirme qu’il a été largement ignoré par les Nations unies depuis sa publication, l’ancien rapporteur écrivait :

« Les sanctions économiques et les blocus actuels sont comparables aux sièges des villes au Moyen Âge. […] Les sanctions du XXIe siècle tentent de mettre à genoux non pas une seule ville, mais des pays souverains. »

De Zayas poursuit en disant à The Independent que « les sanctions tuent » et analyse la manière dont ces mesures frappent de manière disproportionnée les plus pauvres de la société et provoquent souvent des morts en raison des pénuries de nourriture, de médicaments et d’autres biens de première nécessité qui en résultent.  Il dit aussi à The Independent que ces tactiques visant les civils les plus vulnérables d’un pays avaient pour but d’imposer le chaos économique et un changement de régime au Venezuela.

 

Contester le récit pour qu’il soit ensuite ignoré

 

Dans son interview, de Zayas a expliqué pourquoi il estimait que l’ONU et une grande partie de la communauté internationale avaient ignoré ses conclusions bien qu’il ait été le premier officiel de l’ONU à se rendre dans le pays et à en rendre compte depuis 21 ans :

« Lorsque j’arrive et dis que l’émigration [des Vénézuéliens dans d’autres pays] est attribuable en partie aux sanctions, les gens n’aiment pas l’entendre. Ils veulent seulement le récit simple que le socialisme échoue et qu’il a échoué pour le peuple vénézuélien. »

En effet, le dernier rapport de de Zaya et sa récente interview sont en contradiction avec les récits communément promus par de nombreux organes de presse et même quelques ONG éminentes, qui imputent entièrement la crise économique du pays au gouvernement de Maduro.

De Zayas, qui était également l’ancien expert indépendant de l’ONU pour la Promotion d’un ordre international démocratique et équitable, ajoute :

« Lorsque je suis revenu [l’ONU et les médias] n’étaient pas intéressés. Parce que je ne chante pas la chanson que je suis censé chanter, donc je n’existe pas… Et mon rapport, comme je l’ai dit, a été formellement présenté, mais il n’a fait l’objet d’aucun débat. Il a été classé. »

Il raconte aussi à The Independent qu’il avait reçu un accueil froid de la part de hauts responsables de l’ONU, y compris de celui qui était alors Haut commissaire aux droits de l’homme, Zeid Ra’ad Al Hussein, parce qu’ils « s’intéressent uniquement à un rapporteur qui va… faire de la démagogie, condamner le gouvernement et demander un changement de régime. Et j’y suis allé pour écouter. Je suis allé là-bas pour découvrir ce qui se passe vraiment. »

Finalement, de Zayas — un citoyen américain d’origine cubaine — a estimé que les méthodes étasuniennes de « persuasion » étaient grandement responsables de la décision des hauts responsables de l’ONU d’ignorer ce rapport. L’ancien expert a relevé :

« J’ai vu ce qui s’est passé au Conseil des droits de l’homme, comment les États-Unis tordent les bras et convainquent des pays de voter comme ils veulent qu’ils votent, sinon il y aura des conséquences économiques, et ces choses ne sont pas répercutées dans la presse. »

Cependant, certains incidents en ce sens ont été couverts par la presse ces dernières années.

 

« Tout le monde s’en ficherait »

 

De Zayas l’a exprimé clairement lorsque la discussion a porté sur les véritables motifs des États-Unis pour mener une « guerre économique » et la décision, la semaine dernière, de l’administration Trump de reconnaître Juan Guaidó, le politicien non élu de 35 ans, membre du parti Volonté populaire, lié à la CIA et financé par les États-Unis, comme le président par intérim « légitime » du Venezuela :

« Ce qui est en jeu, ce sont les énormes, énormes ressources naturelles du Venezuela. Et je crois que si le Venezuela n’avait pas de ressources naturelles, tout le monde se ficherait de Chavez ou de Maduro ou de qui que ce soit là-bas… Si vous écrasez ce gouvernement et mettez en place un gouvernement néolibéral qui va tout privatiser et vendre, beaucoup d’entreprises multinationales engrangeront d’immenses profits, et les États-Unis sont dirigés par les multinationales. »

Puis de Zayas ajoute :

« Les affaires des États-Unis sont les affaires. C’est ce qui intéresse les États-Unis. Et [actuellement] ils ne peuvent pas faire des affaires avec le Venezuela. »

Compte tenu de son point de vue nuancé sur la crise au Venezuela, il semble que les récentes remarques de de Zayas – tout comme son précédent rapport sur le pays – seront ignorées par les Nations unies et la presse internationale parce qu’elles remettent en question le « récit simple » qui non seulement fabrique le consentement à un changement de régime soutenu par les États-Unis au Venezuela, mais décharge également ceux-ci de leur responsabilité dans la crise actuelle qui frappe le pays.

 

Whitney Webb est membre de la rédaction de MintPress News et collabore à Truth in Media de Ben Swann. Ses articles ont été publiés dans Global Research, le Ron Paul Institute et 21st Century Wire, entre autres. Elle a également fait des apparitions dans des émissions de radio et de télévision sur RT et Sputnik. Elle vit actuellement avec sa famille dans le sud du Chili.   

La nouvelle politique étrangère allemande va mettre du temps à porter ses fruits

L’Allemagne se prépare à déployer une nouvelle politique étrangère envers les USA.

par Andrew Korybko,

Le 5 septembre 2018

Source : http://lesakerfrancophone.fr/la-nouvelle-politique-etrangere-allemande-va-mettre-du-temps-a-porter-ses-fruits

Source originaire : orientalreview.org

Traduit par Vincent, relu par Cat pour le Saker Francophone

Meiko Maas, ministre des affaires étrangères, a annoncé que son pays allait dévoiler sous peu une nouvelle approche, qu’il a décrite comme « équilibrée » et visant à « renforcer l’autonomie et la souveraineté de l’Europe en matière de politiques commerciales, économiques et financières ». Cette annonce fait suite aux préoccupations que les politiques de sanctions financières de l’administration Trump ont levées outre-Rhin, où l’on craint que ne soient soumis à des risques les intérêts allemands dans les partenariats du pays avec la Russie, la Chine et la Turquie.

Il a également publié la semaine dernière un article dans lequel il écrivait que l’Union européenne doit envisager la création d’un système de paiement indépendant, s’affranchissant ainsi des restrictions économiques décidées unilatéralement par les USA ; en pratique, une initiative de ce genre, menée à son terme, contribuerait fortement à la dé-dollarisation. On pourrait croire que l’Allemagne se prépare bravement à défier les USA et à défendre une position de principe teintée de multipolarité, mais la réalité est bien plus nuancée.

Si Berlin peut réaliser ce qu’elle esquisse, l’ordre mondial multipolaire émergent en sortira sans nul doute gagnant, mais nul ne devrait se faire d’illusions sur les raisons qui poussent l’Allemagne dans cette voie. Le bras de fer idéologique qu’entame le pays avec les USA a pour cause le changement de cap radical décidé par Trump par rapport à celui fixé par ses prédécesseurs libéro-mondialistes, et la réorientation du pays vers un modèle de relations internationales centré sur la nation, considéré par son équipe comme la meilleure méthode pour les USA de s’adapter aux manifestation irréversibles de la multipolarité, comme l’émergence de grandes puissances d’influence. Trump pilote cette réorientation aussi bien qu’il le peut ; plutôt que de subventionner les pays vassaux des USA au travers d’accords de commerce et militaires asymétriques, sa position est de les contraindre à partager la charge du maintien d’un ordre international quelque peu réformé mais toujours mené par l’Amérique.

La transition systémique en cours produit des changements de paradigmes sans équivalent dans tous les domaines observables, ce qui fait monter les niveaux de compétition pour l’influence mondiale, même entre des pays en apparence alliés comme les USA et l’Allemagne. On peut porter au crédit de Berlin sa position engagée pour le projet Nord Stream II, qui fera du pays l’un des acteurs du succès des initiatives multipolaires de Moscou, même si dans le même temps, l’Allemagne est en compétition avec la Russie sur d’autres aspects, comme notablement observé en Ukraine. En regard de l’utilisation que fait Maas de la personnalité clivante du président américain pour poser son pays en victime, le même ministre allemand constituait un collaborateur zélé au sujet de l’EuroMaidan et a apporté un soutien ininterrompu au gouvernement de Kiev.

Certains des facteurs géopolitiques qui déterminent la politique étrangère allemande, à l’instar de ceux qui décident de sa stratégie vis à vis de l’Ukraine, peuvent rester inchangés, ou en tous cas changer moins vite que d’autres, mais cela n’empêche pas Berlin de rompre avec Washington sur d’autres sphères comme le commerce interconnecté, les sujets économiques et financiers, si bien que l’Allemagne progresse en partageant certains des objectifs structurels de ses partenaires russes, chinois et turcs. Ceci étant dit, il faut pondérer l’optimisme que certains observateurs pourraient être tentés d’afficher à la vue de ces changements, il ne faut pas prendre leur réussite comme acquise, au vu des nombreux vecteurs dont disposent les USA pour pousser l’Allemagne à ralentir, prendre le contrôle, ou saboter ces initiatives. En résumé, la nouvelle politique étrangère allemande envers les USA devrait être accueillie comme un signal d’intention pragmatique, mais pas encore interprétée comme un facteur de changement significatif concret.

Le présent article constitue une retranscription partielle de l’émission radiophonique context countdown, diffusée sur Radio Sputnik le 31 août 2018.

Andrew Korybko est le commentateur politique américain qui travaille actuellement pour l’agence Sputnik. Il est en troisième cycle de l’Université MGIMO et auteur de la monographie Guerres hybrides : l’approche adaptative indirecte pour un changement de régime (2015). Le livre est disponible en PDF gratuitement et à télécharger ici.